à la campagne
la vie est douce, les enfants jouent dans le jardin, les jeux trainent partout, les rires s'envolent au dessus des tilleuls centenaires, luciole mange des framboises cueillies à l'instant, son bloomer en dentelle blanche so old fashioned est maculé de rose, il fait beau, la tarte aux cerises finit de refroidir dans la véranda, je dors tard, je sieste longtemps, je cuisine, je lis les magazines stupides, j'aimerais un pantalon à coutures "bas coutures", je n'arrive pas à trier mes photos, je dois écrire à ce parent, je n'ai pas très envie, il a écrit, lui, trop blessé pour pouvoir parler comme il aurait dit. Heureusement, elle a lu avant, elle était en copie, elle a écrit un mail, que j'ai lu avant, ouf ! merci, ça a servi de mise en garde. Je n'ai pas ouvert l'autre mail. Précautionneusement, je l'ai sélectionné, et je l'ai déplacé, dans un dossier, à part, pour éviter de l'ouvrir par mégarde, comme une grenade un peu sensible, je l'ai posé délicatement, laissez moi enfiler ma combinaison de démineur avant de m'attaquer au morceau, si jamais un jour j'ose y retourner. J'ai l'intention d'écrire d'abord ma version, la mienne, mon vécu, mon ressenti, ma perception, ne pas me laisser polluer par cette grande gueule, malade, certes, mais cela n'excuse pas tout, ne pas se laisser manipuler, pas encore, pas de nouveau, j'ai comme l'impression d'une redite, d'un scénario déjà entraperçu, c'est juste la distribution des rôles qui était différente.
Ici, loin de tout, de tous, je me sens à l'abri, protégée, distanciée, la vie est douce, et je n'ai pas envie de la perturber par de mauvaises humeurs étrangères.
J'ai fini ma verveine, elle m'a acheté du chocolat aujourd'hui, il n'y en avait pas hier, Luciole dort dans un pyjama à étoiles phosphorescentes dans l'obscurité, la plus grande des enfants aime l'habiller avec ses habits de quand elle était bébé, les garçons dorment là-haut, tout en haut, avec un revolver en peluche pour "pistoler les cauchemars".
Une parenthèse de vie idéale, un poster publicitaire, une tranche de bonheur simple.
Et... après t'avoir écrit ceci, j'aimerais écrire cela. (Cela, c'est mon petit secret à moi, je me suis donné l'été, ou il sort, en mots, et ce sera fait, ou je n'y parviens pas, et il reste, à jamais, enterré en moi, ce projet.)