dis, papa, ce soir... ?

Elle se sent chez elle, dans la maison de son père. Depuis toujours. Son père qui l'héberge 10 jours pour les vacances, avec celui qu'elle s'est choisi comme "géniteur" selon ses termes, et les deux enfants qu'ils ont donc procréés ensemble. Ce géniteur a deux parents, monsieur et madame. Monsieur et madame avaient été invités il y a longtemps à diner par le père. L'invitation n'avait jamais été retournée. Dans cette petite ville de province, tout se sait, surtout dans certains cercles que certains aiment à fréquenter. Monsieur et Madame n'ont donc jamais invité le père alors qu'ils sont, à l'échelle provinciale, voisins. La sauce n'avait pas pris, et aux réunions forcées sur les fonds baptismaux, l'entente était factice, hypocrite, mais en façade, ça tenait. Une bonne couche de fond de teint, et il n'y parait (presque) plus.
Cela fait une semaine donc qu'ils sont chez lui. Ils ont apporté des poux. Colonisation des lieux par des parasites, le symbole n'est même pas transparent, il est simplement éloquent.
Et ce jour, elle demande "Dis, papa, ce soir, tu voudrais pas aller diner ailleurs ? tu ne veux pas aller dîner chez ta compagne ?". La compagne du père avait évité de fréquenter les lieux et s'était retranchée dans ses appartements pour une convalescence forcée. L'avantage d'avoir plusieurs toits est de pouvoir s'isoler et ainsi de s'épargner certaines frictions qui surviennent toujours lorsque certaines molécules sont en présence.

- Pourquoi donc ? Non, je n'ai pas prévu. (réponse du père qui n'a pas envie de bouger de chez lui ce soir)

- Parce que je voulais inviter Monsieur et Madame, les parents de mon géniteur.

- Et alors ? Je peux rester, non ? Tu ne peux pas m'inviter à dîner (chez moi) ? Il y a un problème à ce que je reste ?

- Non, ça va, j'ai compris. Tête boudeuse. Moue de celle contre qui tout le monde se ligue tout le temps, toujours, en permanence.

Monsieur et Madame ne sont pas venus dîner ce soir.