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betty black
13 janvier 2013

mots sur l'aïeule

Je raccroche. Pas la peine de regarder la durée de la conversation, nous avons dépassé l’heure. Il y a déjà un moment que je ne fais plus que marmonner des hum-hum ; l’oreille posée sur l’écouteur n’est pas plus attentive que l’autre. Je me souviens maintenant pourquoi je ne l’appelle pas trop souvent. Nous parlons de l’aïeule enterrée il y a moins d’une semaine. De nos souvenirs. Elle me dit « tu te souviens lui avoir parlé des vacances ? Quand on était chez elle, l’été, les moments avec elle, et tout… » Je réponds « Je ne parlais pas beaucoup avec elle, je l’écoutais surtout. » Grand éclat de rire.

L’aïeule était une causeuse, elle radotait disaient ceux qui ne l’aimaient pas trop. Elle répétait, oui. Forcément. Une fois, deux fois, trois fois, plusieurs fois, déformation professionnelle oblige, elle était institutrice. Elle parlait beaucoup à ceux qui venaient la voir, elle, la solitaire, la veuve dans sa demeure. Elle parlait, elle disait l’histoire, la dernière qui lui était arrivée, et d’autres plus anciennes, ses histoires, les mêmes, toujours les mêmes, sans déroger d’un iota au scénario choisi. Une fois, j’ai osé proposé une alternative à sa conclusion. Elle s’est arrêtée net, la ritournelle a cessé, le moulin à paroles a parqué une pause. La réflexion était enclenchée. Elle s’est adressée à moi, et d’une intonation interrogative m’a glissé « tu crois ? ». Ce jour-là, le grain de sable est entré dans cette histoire, qui n’a plus jamais été racontée de la même manière.

L’aïeule est restée pudique jusqu’à ces derniers jours. Sur son lit de maison de repos, elle se gratte la hanche. A celle qui est venue lui rendre visite, qui lui tient compagnie, qui lui demande si sa couche la gêne, elle répond « Ma couche ? (sur un air de « mais de quoi me parles-tu là !) Non, c’est mon bas qui me démange. »

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