avant le vert
je m'arrête au feu rouge. Pas toujours, je suis une cycliste citadine. Mais là, je m'arrête. Un type, les traits alourdis par une consommation excessive de boissons alcoolisées avance sa silhouette pataude et légèrement titubante. Il va traverser, le feu est vert pour les piétons. Non, il se ravise, m'avise, ou plutôt m'avise et se ravise.
Il s'approche en me lançant "Mademoiselle ! je peux vous dire quelque chose ?"
Je souris "Dites moi quelque chose."
"Vous savez, ... euh, ... et ben, ... c'est un légionnaire, ... un ancien, un de la légion... qui m'a payé les 12 bières. ..."
Je ne voudrais pas qu'il s'approche davantage. Il poursuit son monologue au débit ralenti.
"Et aussi,... vous avez de très jolies jambes... et... votre mari..."
Le feu passe au vert, je dois y aller, je le lui signifie d'un geste avec un grand sourire, aura-t-il seulement le temps de terminer sa phrase ? Non, il l'interrompt, interloqué et saisi par sa découverte soudaine, il crie, avec encore la surprise dans sa voix : "Et vous avez de très belles dents !"
Jamais on ne m'a fait un compliment sur mon ratelier à un feu rouge.