sortir du chlore

Dernière ligne droite, du dos pour la détente, le rouge des fanions des 5m, demi-tour, canard, raser le fond carrelé du ventre comme un cobra, émerger, placer les mains, se hisser dans la suite du mouvement. Un seul trait de fluidité pour terminer avec élégance la séance.

Je me sentais peu performante, surtout par rapport à la semaine passée, pourtant, l'horloge dément mes impressions. Une heure plus de trois bornes, ça va. Pas mieux, mais pas moins bien.

J'enlève les palmes, les chaussettes, tiens voilà le type qui m'a collée sur mes trois derniers 100m du 2ème kilomètre. Il me demande si je nage en club. Non. Pas du tout. Pourquoi je m'entraine ? Pour rien, là, c'est de la détente.
Détente ? Vous en avez de la détente, ça c'est sûr, enfin ça m'a bien servi tout à l'heure.
Oui, je sais, je vous ai servi de lièvre.
C'est ça, oui, ça m'a bien été utile. Vous vous entrainez pour quelque chose, une épreuve ?
Non, non, rien. Et vous, vous préparez quelque chose ?
Non, ou peut-être bientôt un triathlon. Je ne sais pas, j'ai repris la course à pied.
Ah la compétition, moi, je caresse un projet un peu fou pour l'année prochaine. Un truc à ski.
à ski ?
Oui, ski de randonnée en compétition.
Oh, j'en ai déjà fait, c'est super, ça dépend du guide.
(J'ai de la chance, tous ceux que j'ai croisés sont géniaux). Je lui souhaite bon courage pour sa prépration triathlon.

Je me retourne, j'enfile mes slaps, je me lève, et dans la ligne 3, j'aperçois comme un troupeau de caïmans, à la surface de l'eau les yeux globuleux des lunettes repoussées sur les fronts, les membres du club hilares et jaloux qui interpellent Étienne (donc, il s'appelle Étienne), le gars qui a réussi à me parler.
Je me demande si je constituais l'enjeu d'un pari.