vieillir

Je crois que grossir me fait moins peur que m'épaissir. J'ai peur d'une silhouette aux os alourdis, aux articulations proéminentes, et à la peau qui s'avachit.

Je regarde les personnes vieillir autour de moi, je regarde les corps avec un autre oeil, je regarde les chairs et leurs différences. Je regrette de n'avoir pas su que j'étais pas mal. Avant. Je ne le savais pas. Maintenant, je redoute de perdre ce capital que j'ignorais, et qui se dilapide tout seul, comme il se doit.

Et j'embrasse encore et encore, le cou de ma fille, et je caresse les boucles et la joue de mon fils. Quand me trouveront-ils vieille ? Quand se rendront-ils compte que je suis âgée et décrépie ? Quand passeront-ils le cap où je les dégoûterai par ma carcasse et mes odeurs de vieille peau ?

J'aimerais vieillir comme une éléphante, et un jour savoir que c'en est fini, regarder les arbres et le soleil, sourire une dernière fois à mes proches, et m'éloigner, seule et digne, sur le chemin de la fin, m'allonger et m'arrêter. De vivre.