du temps, avant et maintenant
avant, je n'avais pas de temps, je courais, je volais du temps au temps.
je lisais quand je prenais les transports en commun, j'ai abandonné, j'ai pris le vélo, j'ai rêvé davantage, rêves éveillés, j'ai ouvert les yeux sur les rues, les gens, les véhicules et leurs conducteurs, j'ai ouvert mon esprit aux nuages, et à la pluie, au soleil et aux gaz d'échappement, aux multiples visages du fleuve, celui de la traversée du matin toujours différent de la face proposée le soir... j'ai admiré les cieux, des brumes matinales aux feux couchants et flamboyants, j'ai soupiré, j'ai dring-dringué, j'ai accéléré, j'ai chuté, j'ai freiné, j'ai parfois crié, j'ai beaucoup souri, à la vie, à la rue, à l'air du temps.
avant, je rêvais sur deux roues. avant avant, je rêvais sur les lettres des mots des autres. maintenant, je rêve aussi, enfin, je crois, non, peut-être que je vis un rêve. mon rêve ? je ne sais pas. je n'ai jamais rêvé cette vie, je n'aurais jamais cru que cela était possible.
avant, je m'ennuyais beaucoup au travail, je minimisais ma présence, je minimisais mes efforts, avec un peu d'organisation et d'efficacité, c'est toujours passé. je m'ennuyais, des jours durant, je regardais par la fenêtre, je voulais être ailleurs que derrière cette baie vitrée, je me sentais enfermée, et vraiment pas passionnée. j'écrivais davantage. je notai dans un coin de ma tête les anecdotes valables d'être écrites, je pondais une petite note, un peu de pas grand chose, j'avais un clavier sous les doigts, une image, une sensation, quelque chose à écrire, quelque chose d'impudique, ou pas, quelque chose de vécu, ou pas, quelque chose d'imaginé, ou pas, et j'écrivais, vite, comme je pouvais, sur ce temps où je m'ennuyais, et ça passait le temps.
maintenant, je ne travaille plus comme avant, je ne gagne plus ma vie comme avant, et c'est très différent. je ne m'ennuie plus autant. je n'ai plus ces longues plages de vacances dans la journée, que je redoutais, ces moments de vide plat et morne, ces temps à tuer en attendant qu'une heure décente pointe sur l'horloge pour pouvoir quitter ce lieu où je devais me tenir, par obligation morale et contractuelle. je n'ai plus ces intervalles et je n'écris plus, plus autant. je ne sais pas si c'est en raison de ce changement radical de rythme de vie, si je ne prête plus autant attention à ces petits riens du quotidien que j'affectionnais tant, si je n'ai plus envie de les raconter au-delà d'avoir le temps, si je me retiens par pudeur enfin, ne pas se lâcher, tenir une ligne, un angle, accepter cette bride mise suite à des aventures arrivées en vrai dans la vie à cause de mots ici posés...
un projet qui verrait enfin le jour, 9 ans après la première esquisse, m'a fait replonger dans des écrits anciens, mes écrits, mes mots mes phrases, ma vie d'avant, peut-être que ça ne parle à personne, mais moi, j'y étais, et je vois le chemin, les petits cailloux blancs disséminés sur ma route, le tracé de ma vie sur la toile, avec tant d'oublis revigorés, et tous ceux à jamais perdus, ceux pas écrits, ceux dispersés dans la lumière du jour, comme un rêve nocturne repoussé par la sonnerie agitée du réveil. et je me dis qu'il faudrait me tenir à cette rigueur de l'écriture, un petit jet chaque jour, deux trois mots, trois fois rien, des petits riens accumulés, mon quotidien.
à suivre.
ou pas.
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