se coucher et se lever dans la maison
je couche les enfants, une tisane, le journal, je laisse couler les étoiles dans le ciel, la lune est énorme dans la petite fenêtre, j'entends les vagues vrombir par delà la haie. je vais me coucher, je laisse la petite lumière pour les petits au cas où ils se lèvent la nuit, et je me carapate dans mon aile, là-bas au fond, dans la petite chambre, je me lave les dents, pas de débarbouillage, je m'assieds sur le bord du lit, je regarde la nuit, je me demande si je devrais avoir peur d'être seule avec mes enfants dans cette maison isolée, je me déshabille et me glisse sous la couette, un livre pour s'assoupir... j'éteins la lumière.
je me réveille avant les petits, dans la cuisine de mon aile, je fais chauffer l'eau, je râpe le citron, je pense à ces maisons que j'ai connues, pendant mes vacances d'enfance, les cuisines de mes grands-parents, je ne sais pas pourquoi j'y pense autant... l'odeur ? la solitude de ces instants ? le silence bruyant du soir ? la tension impalpable du matin ? la responsabilité d'être là, l'adulte, la seule, la maitresse de maison ? l'impossibilité de répondre à la question : pourquoi est-ce que je me lève chaque matin ? l'inanité de mes gestes, de ma vie, de mon quotidien ? ce mélange de se sentir vieillir et de se sentir autrement que comme toujours depuis aussi longtemps que l'existence de ses propres souvenirs ? cette brusque perspective de moi en personne du troisième âge ?
j'ai un arrière goût doucâtre de fade mélancolie dans le fond de la gorge.