je me rends compte
je me rends compte, et ça m'énerve, que je perds du vocabulaire, que mes notes ne sont pas à la hauteur de ce que j'aimerais, que la poésie fout le camp, que ma capacité d'énervement aussi, que je me transforme peu à peu en shamallow couleur bisounours...
où sont passées mes colères, mes envies de tout envoyer en l'air, mes "j'aime pas ci, j'aime pas ça, fais chier"
je repense à cet adjectif "mellow", je l'associe à cet épisode, la découverte de la vague, là-bas, si loin.
et puis je deviens une fille à la con, j'ai décidé que j'avais trop de gras, beaucoup trop ? forcément, ça fait trois semaines que je mange au restaurant matin-midi-soir, je suis tellement gavée comme une oie du sud-ouest, qu'il n'y a pas que mon foie qui soit gras, le lait que je conserve au réfrigérateur montre une teneur en crème bien plus élevée qu'à l'accoutumée. bref, du gras, de la peau en trop, envie de réduire tout ça, et la flemme de le faire, pas envie de régime, même pas envie de me remettre à nager, juste envie de retourner surfer. C'est grave, docteur ?
les faire-part papier sont arrivés, ils sont beaux beaux beaux, je suis très très très fière, et il y a du rose fluo, mon imprimeur travaille toujours aussi bien, j'ai réussi à placer "luciole" "bonheur" "sourire" "famille" et les sept lettres de son prénom, de celui de son frère, de notre nom de famille...
Chiffre 7, chiffre porte-bonheur ?
Association, souvenir d'enfance, un truc à la con, un défilé de mode organisé dans une colo d'hiver par des monos stupides, qui nous avaient attifées et maquillées comme des voitures volées, nous défilions sur la scène des spectacles, c'était notre spectacle, ridicule et crispant, attendrissant et piteux, aussi énergique que la dernière scène du film de little miss sunshine, la musique, pour moi, c'était blondie, je crois, j'en suis sûre, je me souviens d'une mini-jupe ou d'un haut en lycra rose fluo, ou peut-être un short en jean, et d'une autre pièce, un foulard peut-être en lamé or, tout ça prêté par les gentilles monitrices qui s'en étaient données à cœur joie dans ces préparatifs de grands filles qui jouent avec des poupées vivantes qui se laissent faire bien gentiment, j'avais une pancarte, un morceau de papier avec un numéro, comme pour les vaches que l'on mène à la foire aux bestiaux, j'avais le numéro 7, le public votait, il y avait au moins 7 gamines qui défiaient, puisque j'étais le numéro 7, je ne sais pas si les autres étaient aussi dépassées que moi par cet événement, je n'y comprenais rien, je ne voulais rien y comprendre peut-être, trop jeune, trop naïve, je ne sais pas, j'ai fait ce qu'on m'a demandé, marche tout droit, et reviens, repars, refais un tour, tourne au bout et reviens, c'est bien. Il y avait des cris, la lumière des spots façon La Boum, avec une boule à facettes et peut-être un stroboscope, des applaudissements, des rires, des sifflements, j'avais le numéro 7, et j'attendais en coulisse, derrière la porte du réfectoire, dans le couloir carrelé et gelé, j'attendais avec les autres la délibération du jury, de ceux qui avaient votés, d'autres colonistes, sûrement, j'avais le numéro 7, la monitrice m'avait dit que ça portait chance ce numéro, je ne sais pas si c'était de la chance ou autre chose, j'y ai cru à la chance de ce numéro 7, avec le numéro 9 aussi, mais plus pour le numéro 7, je me souviens qu'on tirait au hasard les numéros dans un chapeau, j'avais eu le numéro 7, un numéro porte-bonheur forcément, mais était-ce la chance que d'être désignée comme gagnante du défilé ce soir-là ? Ils ont appelé le numéro 7. Il a fallu que je refasse un tour, un aller-retour sur la scène pour montrer la mini-jupe rose fluo et le foulard en lamé or noué en bustier. Était-ce de la chance, vraiment ?
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