night orchid
Elle s'est créée un nouveau profil, night orchid, ça sonnait bien comme pseudo, ça lui plaisait bien.
Fleur de nuit...
Elle se sentait un peu d'humeur vénéneuse ce soir. Comme ça, par hasard, enfin, pas vraiment, pas par hasard, mais réellement inconsciemment, elle est allée voir sa page, à lui. Elle a fait glisser la souris, puis elle s'est éclipsée. Rien de bien neuf sous le soleil de minuit. Les mêmes infos, celles qu'elle avaient lues, quand ça ? oh, ça fait maintenant un an et demi, et oui, le temps passe, mais l'oubli ne lave pas les blessures, les mêmes infos. Cela ne lui fait pas le même effet, elle connait l'envers du décor, la réalité. Elle part naviguer sur d'autres mers, d'autres pages, d'autres profils. Elle ne cherche pas vraiment dirait-elle, et pourtant, que fait-elle en ce moment présent ? exactement.
Arrive ce qu'elle n'avait pas imaginé, il la contacte, il a vu qu'elle était venue, qu'elle avait glissé un œil sur sa page, alors il toque à sa porte, il dit qu'il aime beaucoup son pseudo, il aimait aussi son autre pseudo ne s'empêche-t-elle pas de penser, et commence la discussion.
Elle ne s'emballe pas, elle donne un prénom, un autre, elle engage la conversation,
il échange avec une inconnue,
elle écrit à celui qu'elle a trop connu.
Elle laisse venir, elle s'en va, elle coupe, elle revient, elle tâtonne, elle fait sa sainte-nitouche, sa timide, sa mijaurée... Cela lui plait, elle le sait, et puis, elle lance une perche, elle dit qu'elle est en couple depuis longtemps, que ça se passe bien, pour tout, sauf, sauf pour ça, le sexe, alors, elle explique qu'elle ne veut pas d'histoire solide, vraie et durable, l'âme sœur, elle l'a, à la maison, sous la couette, elle s'endort chaque soir dans sa chaleur corporelle et n'a aucune envie de changer ça. Par contre, elle se pose des questions, peut-elle passer à quelque chose d'autre, elle se pose des questions, alors, elle les lui pose les questions, et toi ? ça t'est déjà arrivé ? d'être avec quelqu'un et puis...
Il ne se confie même pas, il étale, il détaille, il donne même le prénom de cette jeune femme, il en parle en des termes peu flatteurs, il dit des faussetés, il se valorise, il raconte les trois escapades, les tromperies, les coups d'un soir et les histoires qui ont un peu duré, il explique qu'elle ne s'en est jamais rendu compte, qu'elle n'en a jamais rien su, il ne mentionne pas les disputes à cause d'une paire de lunettes oubliées derrière l'oreiller contre le mur, ou la rupture d'un mois à cause d'un résultat d'analyses sanguines qui traine sur la table de chevet, il ne dit pas tout ça, il dit d'elle qu'elle était comme toutes ces filles, qui passées un certain âge, n'en veulent qu'à sa situation pour se caser, se marier, et faire des gosses.
La coupe est pleine, elle en a trop entendu, elle tombe le masque dans un dernier message :
"je t'ai aimé, follement aimé,
jamais je n'ai été celle que tu as décrite ici,
tu n'as pas voulu voir,
tout comme je n'ai pas vu le connard,
merci à cette orchidée noire
de m'avoir décillé les yeux,
enfin je vais pouvoir t'oublier,
tu es pire que ce que je pouvais imaginer."
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