nuit insomnie

2 heures après la fin du film, le téléphone sonne. Il part travailler, je tente de trouver une aide. Je trouve l'ami qui viendra cette nuit avec lui. Je ne me rendors pas, j'ai du mal, j'attrape le journal, un de ceux que je n'ai pas lus, je lis, toutes les pages, je lis, je me dis que ça va tomber, les paupières du dessus sur celles d'en bas, j'arrive aux mots croisés, je fais les mots croisés, et enfin, ça vient, je ne trouverai "chiffonnières" (1 horizontal) que le lendemain matin.

Elle a demandé à aller à l'hôpital, elle veut mourir, elle a du calculer, inconsciemment ou pas, la date anniversaire, au début du mois, oui, il y en a qui soufflent une bougie de plus sur leur gâteau, elle, elle ne mange plus assez, son dentier lui fait mal, et puis à quoi bon, elle est fatiguée, alors, se faire à manger, ou même manger... il faudrait qu'on lui donne la becquée, ce que fait celle qui passe, parfois, l'assistante à domicile, elle lui donne à manger, il n'y a pas eu de gâteau, pas besoin pour savoir, ça fait 5 ans maintenant qu'elle l'a mis à côté de son père, dans le caveau des ancêtres, à côté des réductions du tac'coz et de la mam'coz. 5 ans, c'était aussi le temps entre l'attaque pendant l'opération, le caillot, l'incident et la fin, 5 ans d'assistance, 5 ans avec cet homme en fin tout à elle, handicapé et médicamenté, la moitié de son corps, la moitié de sa tête, 5 ans.
Elle a demandé que sa bru vienne, jusque chez elle, pour l'emmener à l'hôpital. Elle veut mourir. Elle a une très bonne tension. Tout va bien. Il faut qu'elle s'alimente, 37 kg, c'est pas assez, vous voyez. Elle a demandé une chambre seule. Elle a changé de chambre, elle a sa chambre pour elle seule. Alors, elle s'est permise de faire un premier infarctus. Pour commencer. Elle veut mourir, on ne veut/peut pas l'aider.
Sa bru est pleine d'attente, l'attente de l'annonce. Elle a commencé à penser au discours, elle a questionné pour l'heure de l'enterrement, elle pense à celles qui viendront de loin, qui ne veulent pas penser à ça, au voyage, aux histoires qui en découleront, elle pense à ceux qui seront sur place, l'après-midi conviendrait mieux, et puis, elle ne fera pas trainer dans la chambre mortuaire, pas de veillée, pas de journée d'exposition et de visite, emballé, c'est pesé, on ne va pas s'éterniser, l'éternité commence à peine pour elle.