aujourd'hui...

Aujourd'hui j'ai couru, encore et toujours, j'ai pris mon quart d'heure de retard, que j'ai amplifié d'un oubli de gant gauche. J'ai du me soumettre à l'injonction de diminuer mon débit de parole et d'augmener l'intensité de ma voix. Ce n'est pas la première fois me signale-t-il. Il est le seul qui me le dit. Peut-être est-il dur de la feuille ? Peut-être que mes interlocuteurs se fichent de ce que je raconte ? Peut-être que je ne parle vite et bas qu'avec lui ? Peut-être que je ne parle pas en dehors de ces conversations... Il fait froid, le jour se lève, les pierres se parent du rose du levant, les passants soufflent des volutes blanches, le froid s'attaque aux doigts, aux pieds, à l'épiderme de mes cuisses, je m'efforce de ne poser que le talon à l'arrêt pour réduire le contact de ma semelle de botte avec l'asphalte glacé, j'entre dans l'amphi, par le haut, j'écoute le prof, je ne note pas, j'ai raté le début, à la pause, je discute, je me prépare une potion magique, du tang vitaminé, je m'ennuie les deux heures qui suivent, je ne peux pas retenir mon aversion pour les modalités de ce séminaire, avec ce type qui s'échine à vouloir animer un groupe inerte, pire qu'une méduse échouée sur le sable, j'achète un stylo plume au passage, j'arrive à l'heure à la réunion, j'ai squizzé mon déjeuner, j'assiste à l'entretien avec celle qui rédige un mémoire sur la séparation des fratries, je réchauffe ma gamelle à l'heure du goûter, j'écoute et je fais parler celle qui pleure, elle a craqué, c'est son dernier jour accompagnée, après une semaine de repos, elle sera seule en poste, et cela l'angoisse, elle n'a pas confiance en elle, ce sont des enfants, il n'y a pas le droit à l'erreur, je retourne, évaluation, scène violente, je me fige, je file, je suis en retard, peu importe, je bois les paroles, j'adore croiser son regard, j'aime à croire que je pourrais le troubler comme une midinette pourrait le faire d'un professeur novice, et j'ose poser une question idiote. La réponse ne l'est pas. J'arrive plus tard que mon retard annoncé. Les enfants ne sont pas couchés, j'ai tant à faire, je ne sais pas par où commencer. Je crois que je vais prendre mon week-end pour me reposer et réviser.