dernier jour

C'est le dernier jour ici, demain matin le dernier lever.

Les gars sont arrivés, un par pièce, ils construisent des boites en carton en deux temps trois mouvements et ils remplissent de jouets, de vêtements, de livres, de disques, de verres, de vaisselle. Ils s'agitent, et je les entends faire. Ils sont efficaces. Jamais je n'aurais pu être aussi rapide. À chaque fois que je saisis un objet, je l'observe, je me laisse happer par toutes les émotions qu'il a suscitées ou les scènes auxquelles il a aprticipé. Plus on vieillit, plus on a de souvenirs. Jamais je n'aurais pu emballer ma vie en une journée. Il vaut mieux laisser faire les spécialistes, des personnes qui n'ont pas d'histoires à voir dans les affaires qu'ils manipulent.

Ce soir, il restera dans nos chambres vides, nos lits, une trousse de toilette et des serviettes dans la salle de bain, le frigo et une table dans la cuisine.

Ce soir, mes souvenirs se heurteront aux murs dénudés. Une tranche de vie se clôt ici. Trois ans. La naissance d'une nouvel enfant. Une nouvelle vie a commencé dans cet appartement. Trois ans pendant lesquels je n'aurais pas travaillé en tant que salariée. Trois ans, une paille ! Comment est-ce arrivé ? Comment est-ce que ça a pu passer si vite ? Pourquoi tout cela me semble-t-il pourtant si lointain ?

Les papiers de protection pour les verres sont froissés dans la pièce à côté, comment emballer mes souvenirs pour les transporter sans les briser ?