triste

Triste, je suis triste. J'ai encore pleuré. C'était moins douloureux. Des larmes pour soulager, des larmes pour laver. Triste et lasse.

Le ciel est blanc, opaque, uni.

Je ne verrai pas les immeubles s'illuminer dans le soleil avant son coucher.

J'ai grossi, je le sens, dans mes vêtements, dans mon allant. Dans l'eau, j'avais de la peine, l'échauffement était difficile. Et puis, sans m'en rendre compte, c'est passé. Vingt minutes pour le premier kilomètre. Hum, bof. Dernier 500m, oh ! il me reste 15 minutes, j'ai accéléré ou quoi ? Bon, ça va, j'ai pas tout perdu.

L'autre jour, j'ai oublié ma planche. Une petite planche bleue que j'avais moi même empruntée il y a longtemps sur un bassin où elle était restée abandonnée plusieurs semaines d'affilée.

Ma petite planche bleue, avec mon prénom et l'initiale de mon nom inscrits au marqueur sur la tranche. Impossible de ne pas imaginer que cette planche est à quelqu'un.

Elle n'a pas réapparu sur le bord du bassin, et cela fait maintenant trois semaines.Je me demande si la personne qui l'a récupérée sait que c'était à moi. Je me demande si ma planche a fini dans une poubelle. Si elle est arrivée dans un sac et n'ose pas en ressortir dans cette piscine. Si elle a été donnée en pâture à un animal domestique pour qu'il se fasse les griffes ou les dents. Si elle est placée comme un trophée à côté d'autres objets dérobés dans une collection particulière. Si elle est caressée par un malade qui se dit qu'elle m'a appartenu.

J’enchaîne et je pense à souffler, souffler, souffler, sur trois, un deux trois.

Je suis toujours triste. Encore triste.
A la main gauche, l'index et le majeur ont écaillé leur vernis rouge. Dans le miroir, je regarde la marque du masque imprimée au dessus de mes sourcils. Et je constate que le rouge à lèvres est très résistant. Malgré un essuyage et une heure de trempage dans l'eau chlorée, j'ai les lèvres encore colorées. Rouge sur la bouche, rouge sur les ongles, rouge sur le bonnet, rouge aux pieds. Je suis sure que certains m'ont surnommée Jeanne Mas. Je fais baver le mascara sur la paupière, volontairement. Je retourne dans la tour de verre avec vue sur le ciel bas, blanc et opaque.