sur le trottoir

je sais, c'est pas bien de trainer sur le trottoir, je sais c'est pas bien de rouler à vélo sur le trottoir, en même temps, est-ce que c'est bien de faire des livraisons en bloquant tout le passage dans la rue ?

j'ai pris le trottoir, un peu étroit, des piétons à suivre, des piétons à croiser. il pleut, j'ai la casquette vissée sur les sourcils, les sacoches blindées de sacs de travail, à main, d'école, à dos... je croise un regard. je reconnais. je laisse mon regard continuer sa trajectoire sans ciller, genre, un visage inconnu parmi tant d'autres. j'arrive à hauteur du groupe de personnes. j'entends mon nom de famille. pas mon prénom, non, seulement mon nom de famille. il l'a articulé à voix haute quand je suis passée à sa hauteur. dans ces cas-là, je ne parle pas français, je ne connais rien d'autre que l'accent québécois, je comprends le martien et c'est tout, je n'ai rien entendu. Je sais qu'il m'a reconnue, comment a-t-il justifié à la personne au côté de laquelle il cheminait le fait d'avoir prononcé ces syllabes sans aucun rapport je pense avec la choucroute ?

il y a quelques années, j'ai accepté de prendre un café avec un nageur. nous sommes restés en contact épisodique. ma vie a tourné. une période de ma vie a été célibataire. à cette époque, je draguais dans les bars, je me laissais draguer, je n'avais pas froid aux yeux, juste le fond malheureux. je n'ai pas eu tant d'aventures que ça, j'aurais peut-être pu en avoir davantage, je n'en avais pas envie, et quand j'avais envie, finalement, c'était possible. j'ai eu des histoires d'un soir avec des hommes en couple. des hommes qui me cherchaient, qui m'ont trouvée. une règle : nous allons boire, je vais me laisser faire, tu es en couple, ce sera une seule histoire d'un soir, demain, je n'aurais plus d'estime pour toi, demain, j'aurais l'impression d'avoir sali une femme, ta femme, une soeur de féminité, demain, je te trouverai irrespectable, parce que ce soir, nous allons avoir une coucherie, alors que tu es en couple. pas une moustache ne s'est défrisée. pas un, non, pas un seul, ne m'a dit "écoute, c'est un accord avec ma femme/compagne, nous pouvons avoir des histoires de cul chacun de notre côté, ça ne remet pas en cause notre couple, ça ne l'attaque pas, ça ne le détruit pas, et que je sois avec toi ce soir ne veut pas dire que je veux faire ma vie avec toi." pas un ne m'a tenu de tels propos. aucun n'a dormi dans mon lit, je les ai mis à la porte, pour tenter de me retrouver dans mes draps froissés. ce nageur en faisait partie. je lui avais dit les mêmes propos. il a entendu. a du se croire plus fort que quelques mots. il a apparemment passé un très bon moment. après, il a rappelé. il m'a écrit. il a fait le gentil. il a été patient etpas trop rentre-dedans. j'ai accepté de le voir. il avait emménagé dans des bureaux situés dans mon arrondissement. je l'ai revu quelques années plus tard, il s'en passe des choses en quelques années, j'avais un bébé au sein. il a fait une remarque déplacée sur ma poitrine. je me suis dit "quelle erreur d'avoir pu croire qu'il avait compris que ce n'était qu'un soir, un jour, il y a longtemps, dans une autre période de ma vie, et que plus jamais il n'y aurait une autre fois". Je n'ai pas changé de quartier, et souvent je prends à vélo la rue où il a, toujours semble-t-il, ses locaux professionnels. Depuis presque 10 ans, je ne l'ai jamais croisé. jusqu'à aujourd'hui. il ne m'a pas oubliée. il m'a reconnue. je n'ai pas tant changé que ça. ou bien, il a cru me reconnaitre, et il a fait une tentative. qu'a-t-il cru de mon absence de réaction ? une erreur de sa part ? une surdité de ma part ? Fugacement, je me suis demandée s'il oserait m'écrire un mail, ou m'appeler, je n'ai pas souvent changé de numéro de téléphone. et puis, je suis passée à autre chose.et j'y susi revenue, à cette période, finalement, je l'ai moins oublié qu'un autre, un de ces hommes en couple, un ancien collègue de bureau, un gars dont je ne me souviens pas, en toute sincérité, si finalement, nous sommes passés à l'acte après l'étape de chauffe et d'allumage. qu'est-ce qui est pire ?